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Société de Biomécanique
Les pionniers

 Hill 01

Les propriétés mécaniques du muscle

Eléments de biographie

Né à Bristol, Archibald Vivian Hill y reçut une très solide formation secondaire scientifique et littéraire. Admis en mathématiques au Trinity College à Cambridge , il sortit premier de promotion. Il pratiquait aussi assidûment la course à pied dont il étudia la physiologie plus tard. Toute sa vie, il a appliqué des outils mathématiques à l'étude de systèmes physiologiques. Un exemple bien connu: dès 1910, il formula les équations dans lesquelles il définit le "coefficient de coopérativité", appelé maintenant "coefficient de Hill". L'autre exemple est l'équation caractéristique, ou "relation force-vitesse", proposée en 1938 et dont on parlera ci-dessous.

Au terme de ses études de mathématiques, il se tourna vers la Physiologie dans le laboratoire de John N. Langley à Cambridge, où il commença ses propres travaux expérimentaux sur la contraction musculaire. En Allemagne durant l'hiver 1910-1911, Hill s'initia à de nombreux aspects de l'étude expérimentale du muscle, ainsi qu'à l'utilisation du galvanomètre d'Arsonval qu'il allait mettre au service de la myothermie. En 1919, W. Hartree le rejoignit, et ensemble, ils portèrent la méthode myothermique à un niveau inégalé de performance.

Dès 1933, Hill participa à la création du Council for Assisting Refugee Scientists (CARS), dont la mission était d'aider les scientifiques allemands opposés au nazisme, dont de nombreux juifs, à échapper aux persécutions. Plus de 900 scientifiques purent ainsi être aidés, enrichissant le monde scientifique britannique et américain. Sept prix Nobel fuirent l'Allemagne et vingt réfugiés furent ultérieurement honorés du prix, dont Bernard Katz en 1969.

Après l'interruption de la première guerre mondiale, Hill entama sa carrière parallèle d'enseignant en Physiologie. Après un intermède de trois ans comme professeur de Physiologie à Manchester, il fut nommé en 1924 à University College London à la succession prestigieuse d'Ernest H. Starling. Il y restera jusqu'à la fin de sa carrière. Après les hostilités, Hill reçut de nombreuses distinctions honorifiques britanniques et américaines, dont la célèbre médaille Copley, la plus haute distinction attribuée par la Royal Society, pour des contributions remarquables à la science.

Théorie lactique, collaboration avec Otto Meyerhof et prix Nobel 1922

Au début du XXe siècle, le muscle était conçu comme un système protéique visco-élastique dont le brusque changement des propriétés physiques produisait la contraction. Il était admis que la première réaction chimique associée à la fourniture d'énergie pour la contraction était la production d'acide lactique ; des protons mobilisés par la réaction neutraliseraient des charges négatives de surface des protéines, permettant leur repliement et le raccourcissement. En mesurant la cinétique de la production de chaleur par le muscle pendant et après la contraction, Hill renversa la théorie lactique. La controverse à ce sujet lui avait donné l'occasion de confronter ses idées et d'allier ses travaux à ceux d'Otto Meyerhof, le célèbre biochimiste allemand. Le prix Nobel leur fut attribué en 1922.

Relation force-vitesse et équation caractéristique 

En 1938, Hill publia l'article devenu le plus célèbre avant 1960 en matière de physiologie musculaire et dont le retentissement dure toujours. Il y décrivit, suite à des mesures simultanées de force et vitesse de raccourcissement de muscles, la relation considérée comme caractéristique du moteur musculaire activé: la "relation force-vitesse" :

(P + a)·(V + b) = b (Po + a)

Elle décrit la relation entre P, la force mesurée, et V, la vitesse de raccourcissement entre les extrémités du muscle en contraction tétanique. Hill montra que les résultats des mesures étaient correctement décrits par une hyperbole rectangulaire tendant vers les asymptotes -a, une constante qui a la dimension d'une force, et -b, qui a la dimension d'une vitesse. Po est la force isométrique maximale quand V est nul ; déterminée par le nombre de cellules musculaires en parallèle (donc par la surface de section du muscle), Po est une mesure de l’épaisseur du muscle et donc de sa masse. La courbure de la relation dépend des paramètres a et b qui sont caractéristiques du muscle, plus ou moins lent ou rapide. L'équation permet de prédire correctement la puissance mécanique maximale du muscle.

Modèle à deux et à trois composants

En 1938, continuant son analyse du muscle en mouvement, A.V. Hill proposa un modèle qui eut une profonde influence sur la conception et l'interprétation de très nombreux résultats expérimentaux. Bien qu'on ait montré depuis qu'il devait être modifié, d’une part pour décrire le comportement de la fibre musculaire isolée, d'autre part pour le cas du muscle in situ rattaché à ses tendons, son influence persiste toujours et il n'est pas possible d'en faire abstraction.

L'essence du modèle peut être perçue en considérant l'évolution de la force dans un muscle en tétanos isométrique auquel on applique une brusque diminution très rapide de la longueur, appelée   "quick release" par les auteurs anglais : la force chute très rapidement pendant le raccourcissement et retourne plus lentement à sa valeur d'origine après la fin du mouvement.

Pour rendre compte de ce phénomène, Hill proposa qu'on pût concevoir le muscle activé comme fait de deux composants logiquement distincts, représentés en B dans la même figure : d'une part un ressort, appelé "composant élastique en série" (SEC), dont la longueur ne dépend que de la force dans le muscle ; sans amortissement, ce ressort peut changer de longueur très rapidement et suivre le raccourcissement rapide ; d'autre part un composant contractile (CC), élément moteur proprement dit dans lequel se passe la transformation d'énergie chimique en travail mécanique ; il se raccourcit plus lentement et rattrape le mou dû à la décharge rapide du ressort ; la vitesse de raccourcissement du CC ne dépend que de la force selon la relation force-vitesse décrite plus haut. Pendant un raccourcissement suffisamment rapide, la longueur du CC ne change pas appréciablement et tout le changement de longueur se passe dans le SEC ; la force descend donc suivant la relation déformation-contrainte du ressort. Après la fin du raccourcissement, le CC se raccourcit, le SEC est ré-étendu et la force remonte à une vitesse qui dépend de celle du CC et de la raideur du SEC qu'il étire selon sa relation déformation-contrainte.

Le modèle est renforcé par de nombreuses observations dont la plus démonstrative est illustrée en fin de page : un muscle isolé est stimulé tétaniquement et la force apparaît progressivement (courbe a) ; cependant, si, juste après le début de la stimulation, le muscle est étiré très rapidement d'une petite longueur, la force atteint immédiatement sa valeur maximale (courbe b).

Au repos, le muscle entier oppose évidemment une force à l’étirement : il possède sa propre relation déformation-contrainte, dite passive. Tout indique qu'elle persiste, pour la plus grosse part, pendant la contraction. On la trouve, par exemple, dans le muscle rendu inexcitable par diverses méthodes. Elle joue un rôle majeur dans les mouvements in situ, en supportant une partie de la charge à déplacer. Pour en rendre compte, il y a donc lieu d'enrichir le modèle d'un autre "élément élastique en parallèle" avec le moteur et ses attaches (PEC), comme illustré en C dans la figure ci-dessus. Les deux éléments élastiques jouent un rôle essentiel dans les gestes de la vie courante : ils emmagasinent de l'énergie potentielle élastique et peuvent la restituer intégralement pour effectuer du travail.

Il n'est pas superflu de noter que les modèles à deux et trois composants sont des représentations logiques de propriétés mécaniques. Ils ne font pas de supposition sur l'identité physique des composants. Deux points méritent d'être soulignés : en premier, le SEC et le CC peuvent très bien faire partie de la même structure physique, comme il a été confirmé  après 1980 : la force est produite par des ponts entre actine et myosine, et dans la fibre musculaire isolée in vitro, la plus grande partie du SEC se trouve dans les ponts eux-mêmes ; en second, si les propriétés du PEC font typiquement penser à des structures comme la matrice extracellulaire, abondante dans les muscles, il est clair aujourd'hui qu'une partie est également présente dans des structures intra-cellulaires telles que la titine, l'actinine et d'autres protéines.

Physiologie de l'exercice musculaire

De 1922 à 1924, Hill publia une série d'articles qui contribuèrent à introduire le concept de production anaérobique d'énergie pendant l'exercice, de restauration aérobie subséquente et de dette d'oxygène. Ces travaux démontrèrent également le concept de consommation maximale d'oxygène (V.O2max).

Les études de Hill portèrent aussi sur les facteurs déterminants la performance chez les athlètes. En application de la notion de dette d'oxygène, ces travaux conduisirent à la distinction entre puissance aérobie maximale, puissance anaérobie lactacide et puissance anaérobie alactacide et leurs répercussions sur la performance dans diverses disciplines athlétiques. 

En guise de conclusion

La liste des réalisations scientifiques A.V. Hill est longue. Elle inclut la spectaculaire amélioration de la méthode de mesure de la production de chaleur des organes isolés, qui donna naissance à la connaissance de la cinétique précise de la contraction musculaire, de la production de chaleur associée à l'influx nerveux, mais aussi à la mesure de la tension de vapeur en équilibre avec de minuscules volumes de liquide. Il faut citer l'analyse physique et chimique de l'influx nerveux, les lois de l'excitabilité des tissus animaux, les déterminants de la performance musculaire in vitro et chez les athlètes.

Son dynamisme et sa créativité ont fortement marqué ses élèves, dont une centaine ont rempli par la suite des fonctions importantes dans le monde entier. On en trouve la marque profonde dans son testament scientifique : "Trails and Trials in Physiology". Il y passe en revue, sans aucune concession, l'ensemble de sa production scientifique. L'homme tout entier est dans la dédicace :

"To my pupils, colleagues and teachers,

with grateful and affectionate memories

of what I have learned from them."

 

Jean Lebacq
Professeur émérite à l’Université catholique de Louvain
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Hill 04

Illustrations

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La figure, ci-dessus illustre en A l'enregistrement de la force dans le cas de deux raccourcissements instantanés de deux étendues différentes.

 

 

Hill 03

Un muscle isolé est stimulé tétaniquement et la force apparaît progressivement (courbe a) ; cependant, si, juste après le début de la stimulation, le muscle est étiré très rapidement d'une petite longueur, la force atteint immédiatement sa valeur maximale (courbe b). 

 

Références emblématiques

Hill, A.V.  (1965). Trails  and Trials in Physiology: A Bibliography, 1909–1964; with reviews of certain topics and methods and a reconnaissance for further research. London: Edward Arnold ( Publishers) LTD.

Hill, A.V. (1970). First and Last Experiments in Muscle Mechanics. Cambridge Univ. Press, London and New York.

Katz, B. (1978). Archibald Vivian Hill. 26 September 1886-3 June 1977. Biographical Memoirs of Fellows of the Royal Society : 24: 71–149. Nobel biography: http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/laureates/1922/hillbio.html)

Woledge, R.C., Curtin, N.A., and Homsher, E. (1985). Energetic Aspects of Muscle Contraction. Monographs of the Physiological Society. Academic Press.

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