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Société de Biomécanique
Les pionniers

 Lighthill 01 

Les fondements de la biomécanique des fluides

Biographie

James Lighthill est né à Paris le 23 Janvier 1924. Enfant précoce, doué d’une mémoire phénoménale, il a montré très tôt des dispositions exceptionnelles pour les mathématiques, la musique et les échecs. Après des études à Trinity College (Cambridge) et deux ans au National Physical Laboratory (NPL) pendant la deuxième guerre mondiale, il rejoint l’université de Manchester en 1946 où il participe à la création du premier centre intégré britannique  d’enseignement et de recherche sur les mathématiques pures et appliquées. En 1959, il est nommé directeur du Royal Aircraft Establishment (RAE) où il impulse des projets de développement aéronautique (décollement vertical, avion supersonique - qui conduit éventuellement au Concorde, recherche spatiale). En 1964, il rejoint Imperial College (Londres) où il initie des activités de recherche sur les ondes et sur la biomécanique des fluides. En 1969, il quitte Londres pour rejoindre son alma mater, Cambridge, sur la chaire de   Professeur Lucasian de Mathématiques. Mais en 1979, considérant qu'il aurait plus d'impact en dirigeant un grosse entité d'enseignement et de recherche qu'en restant simple chercheur dans un université (si prestigieuse soit-elle), Il prend la présidence de University College London (UCL), poste qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 1989. Pendant ces dix années, il a fortement contribué au développement de UCL et a notamment favorisé l’accès à l’enseignement supérieur aux femmes : sous sa gouvernance, la part des femmes dans le corps professoral de UCL est passée de 4 à 15. Lighthill a terminé sa carrière tourbillonnante comme Chercheur Honoraire à UCL. Nageur émérite, il programmait chaque année une ‘expédition natatoire’ qui consistait souvent à effectuer le tour d’une île à la nage. Cette expédition était organisée avec soin après une étude approfondie des courants et des marées. Il eut de nombreuses aventures, comme le tour du Stromboli pendant une éruption du volcan… En Juillet 1998, alors qu’il terminait le tour de l’île de Sark, sa valve mitrale le lâcha… et il quitta ce monde avec panache.

Impact scientifique de Lighthill

Lighthill a consacré sa carrière à la modélisation mathématique rigoureuse de problèmes de mécanique des fluides. Après des débuts en aéronautique, Il s'est intéressé à la propagation des ondes dans les fluides et a notamment créé le concept d'aéroacoustique (dans un article sans aucune référence). Par exemple, il a été le premier à démontrer que l'intensité du son généré par un jet turbulent était proportionnelle à la puissance 8 de la vitesse caractéristique... information qui a pu être mise à profit immédiatement par les ingénieurs pour réduire le bruit de leurs engins. Ses travaux dans ce domaine sont rassemblés dans le livre Waves in Fluids (1978), qui continue aujourd’hui à être un ouvrage de référence.

Cependant la communauté internationale des biomécaniciens le connaît surtout comme un des grands pionniers de la mécanique des fluides biologiques. Son intérêt pour ce sujet a été déclenché par le Prof. James Gray (Département de zoologie, Cambridge) qui lui a demandé son aide pour comprendre et analyser la natation animale. C’est ainsi que Lighthill a publié son premier article de biomécanique, où il étudie une sphère qui nage grâce à un champ de vitesse surfacique imposé (Lighthill 1952b). Ce  modèle très idéalisé (!) a démontré pour la première fois qu’un mouvement irréversible de la surface  était indispensable pour assurer une propulsion et que la vitesse de déplacement résultante était proportionnelle au carré de l’amplitude de la perturbation surfacique. Ce modèle a plus tard servi de base à l’un de ses étudiants pour analyser la propulsion ciliée d’un microorganisme (Blake, 1971). En même temps, un autre de ses étudiants a formulé la théorie de la propulsion par flagelle (Hancock 1953). La théorie des corps élancés et des distributions de Stokeslet utilisée dans ces modèles est actuellement à la base de nombreuses simulations numériques. 

Alors qu’il était Directeur du RAE et qu’il avait sans doute d’autres problèmes immédiats, Lighthill a fait une incursion dans le domaine de la zoologie et a publié le premier modèle de la nage d’un poisson qui se déplace à l’aide d’une ondulation à l’instar d’une anguille, un grand classique maintenant. En modélisant le poisson comme un corps élancé, il explique comment la poussée est générée par la réaction inertielle du fluide, soumis à l’accélération latérale créée par le mouvement de l’onde (Lighthill 1960). Un calcul de la dissipation d’énergie démontre que la poussée peut se calculer à partir du mouvement de la partie distale du poisson (la queue)… une bonne nouvelle pour les biologistes dans la mesure où elle leur simplifie le recueil de données ! 

C’est lorsqu’il reprend une carrière universitaire à Imperial College et à Cambridge, que Lighthill a révolutionné la biomécanique des fluides. Il écrit notamment plusieurs articles de revue essentiels, où il reprend, complète et généralise les différents résultats publiés (souvent par ses propres étudiants, auxquels il avait l'élégance de donner la primeur de la publication de leurs résultats en leur permettant de publier leur thèse sous leur seul nom). Ses contributions couvrent la propulsion aquatique (Lighthill 1969b) ou aérienne (Lighthill 1974, 1977), ainsi que la propulsion flagellaire des microoganismes à petits nombres de Reynolds (Lighthill 1976). Dans chacune de ces revues, il conduit un recensement du règne animal auquel il s’intéresse pour s’assurer que tous les modes de locomotion sont bien couverts, au moins qualitativement, par l’analyse biomécanique qui est développée. Un exemple est montré sur  la Figure 1 où ce recensement est effectué pour les microorganismes. 

Dans le cadre des écoulements physiologiques, la contribution essentielle de Lighthill est liée à la création, en collaboration avec Colin Caro, du Physiological Flow Studies Unit de Imperial College  en 1966. Cette unité de recherche a immédiatement acquis une réputation et une influence internationales, notamment dans le domaine de l’athérosclérose et sa relation avec les interactions fluide-structure entre la paroi artérielle et l’écoulement sanguin. Sur le plan scientifique, il faut retenir la synthèse sur les écoulements physiologiques, présentée dans son ouvrage Mathematical Biofluiddynamics (Lighthill 1975) et notamment le chapitre sur la propagation de l’onde de pression artérielle qui est un modèle de précision et de clarté.

On ne peut passer sous silence les travaux de Lighthill sur la biomécanique de l’oreille interne qui ont été sa principale activité de recherche alors qu’il avait une lourde charge administrative. Il a démontré que la faculté des cellules ciliées de la cochlée pour capter les différentes fréquences sonores en fonction de leur distance à l’entrée, était associée à un phénomène d’absorption par la couche limite des ondes électroacoustiques dans l’organe  (Lighthill 1981, 1991, 1992).

Conclusion

Lighthill a été un des scientifiques majeurs qui ont marqué le 20ème siècle, à travers ses travaux sur l’aérodynamique supersonique, les couches limites, l’aéroacoustique, les ondes de choc et la biomécanique des fluides. Il reste dans notre mémoire pour la qualité, la pertinence et la clarté de ses analyses et de ses revues. Pour une analyse plus complète nous référons le lecteur à l’article de Pedley (2001).

 

 Auteurs : Dominique Barthes-Biesel (1) et Timothy J. Pedley (2)
1) Biomécanique & Bioingénierie, UMR CNRS 7338, Sorbonne Universités,  Université de Technologie de Compiègne, FRANCE
2) Department of Applied Mathematics and Theoretical Physics, University of Cambridge, Centre for Mathematical Sciences, ROYAUME-UNI

Illustration

Lighthill 02

Figure 1  Le monde des microorganismes d’après Lighthill (1976, copyright ©1976 Society for Industrial and Applied Mathematics.  Reprinted with permission.  All rights reserved).

 

Références

Blake JR. 1971a. A spherical envelope approach to ciliary propulsion. J. Fluid Mech. 46:199–208

Hancock GJ. 1953. The self-propulsion of microscopic organisms through liquids. Proc. R. Soc. London A 217:96–121

Lighthill MJ. 1952b. On the squirming motion of nearly spherical deformable bodies through liquids at very small Reynolds numbers. Commun. Pure Appl. Math. 5:109–18

Lighthill MJ. 1960b. Note on the swimming of slender fish. J. Fluid Mech. 9:305–17

Lighthill MJ. 1969b. Hydromechanics of aquatic animal propulsion. Annu. Rev. Fluid Mech. 1:413–46

Lighthill J. 1974. Aerodynamic aspects of animal flight. Fluid Sci. Lect., Br. Hydromech. Res. Assoc., R. Inst., London. 30 pp.

Lighthill J. 1975. Mathematical Biofluiddynamics. Phiadelphia, PA: SIAM. 281 pp.

Lighthill J. 1976. Flagellar hydrodynamics.SIAM Rev. 18:161–230

Lighthill J. 1977. Introduction to the scaling of aerial locomotion. In Scale Effects in Animal Locomotion, ed. TJ Pedley, pp. 365–404. London: Academic

Lighthill J. 1978a.Waves in Fluids. Cambridge: Cambridge Univ. Press. 504 pp.

Lighthill J. 1981. Energy flow in the cochlea. J. Fluid Mech. 106:149–213

Lighthill J. 1991. Biomechanics of hearing sensitivity (the Rayleigh Lecture). ASME J. Vib. Acoust. 113:1–13

Lighthill J. 1992. Acoustic streaming in the ear itself. J. Fluid Mech. 239:551–606

Pedley T.J. 2001. James Lighthill and his contribution to fluid mechanics  Annu. Rev. Fluid Mech. 2001. 33:1–41

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