Xavier HUGUES soutiendra sa thèse au Gipsa-Lab vendredi 28 novembre 2025 à 13h30.
Titre : Modélisation biomécanique et élastographie pour l'analyse de gestes spécifiques en escalade
Encadrement : Franck QUAINE, Julien V. BRUGNIAUX, Violaine CAHOUET

Résumé : L’objectif de cette thèse est d’améliorer la compréhension biomécanique des coordinations musculaires et pluri-segmentaires lors de mouvements spécifiques à l’escalade sportive. Deux axes principaux sont abordés : l’analyse cinématique et dynamique de mouvements d’arm-jump et de jeté et la caractérisation des implications musculaires des muscles des doigts en escalade par élastographie ultrasonore.
La première partie, consacrée à l’analyse corps entier de mouvements spécifiques à l’escalade, repose sur des mesures cinématiques et cinétiques. L’originalité de notre approche est de mesurer les efforts 3D produits aux appuis grâce à un mur connecté.
Le premier mouvement étudié, l’arm-jump, est une variante explosive du geste de traction utilisée en escalade et reconnue comme test de performance. Nos mesures des forces aux appuis mettent en évidence la contribution non négligeable des composantes horizontales. La modélisation du membre supérieur par dynamique inverse montre que la prise en compte exclusive des forces verticales conduit à une surestimation des moments articulaires au coude et à l’épaule ainsi qu’à la prédiction de contractions excentriques irréalistes. L’intégration des composantes antéro-postérieures a révélé une redistribution des moments articulaires, avec une diminution notable des charges estimées à l’épaule et une meilleure répartition des efforts et puissances entre les articulations. Une approche cinématique par vector coding, couplée à une analyse par clustering, a permis d’examiner l’effet du niveau d’expertise sur les coordinations inter-articulaires. L’étude a mis en évidence la prédominance de schémas synchrones (flexion du coude et extension de l’épaule simultanées) chez les grimpeurs les plus expérimentés.
Le second mouvement étudié est le jeté, mouvement caractéristique de l’escalade dynamique moderne impliquant simultanément membres supérieurs et inférieurs lors de la prise d’impulsion suivie d’une phase aérienne permettant d’atteindre une prise de main inaccessible sinon. L’analyse des forces d’appui montre une stratégie privilégiant la réalisation de la propulsion verticale par les membres inférieurs, responsables de plus de 60 % de la poussée, tandis que les mains apportent plus une contribution horizontale de stabilisation. En particulier, la composante de force antéro-postérieure reflète l’interaction entre la poussée des pieds contre le mur et l’action compensatrice des mains pour contrôler l’orientation de la vitesse au décollage. Toutefois, la comparaison avec les mouvements de référence de squat-jump et d’arm-jump révèle une sollicitation moindre des membres supérieurs et inférieurs. Ces résultats suggèrent que l’utilisation simultanée des quatre membres nécessite une modification des coordinations segmentaires pour optimiser la performance du jeté.
La seconde partie explore la coordination musculaire des muscles des doigts lors de préhensions arquée et tendue. Le challenge de notre étude est d’utiliser l’élastographie pour mesurer in vivo le module de cisaillement des muscles extrinsèques des doigts (Flexor digitorum profundus (FDP), flexor digitorum superficialis (FDS) et extensor digitorum communis (EDC)), indicateur de rigidité reflétant le niveau de contraction du muscle. L’étude de fiabilité a confirmé une répétabilité satisfaisante des mesures, malgré une variabilité importante. Les résultats ont montré que le FDP est davantage sollicité en prise tendue et activé dès les faibles niveaux de force pour stabiliser l’articulation distale du doigt, tandis que le FDS est plus présent en prise arquée, profitant d’un bras de levier plus efficace au niveau de l’articulation interphalangienne proximale. L’EDC participe à la stabilisation du doigt, avec une co-contraction plus marquée en prise tendue qu’en arquée. Nous pouvons conclure que l’élastographie est un outil prometteur pour l’étude des coordinations musculaires digitales.
Mots-clés : Biomécanique, Escalade, Élastographie, Coordination musculaire, Modélisation en dynamique inverse, Vector coding