Par Jules Ronné, lauréat d'une bourse de Collaboration de Recherche Jeune chercheur de la Société de Biomécanique 2023.
L’usage du vélo comme un mode de transport dit « doux » connait un fort succès. Cette tendance d’intensification de l’usage du vélo s’accompagne de l’émergence de nouvelles pratiques, notamment celle du vélo cargo. Transporter des personnes ou des objets sur un vélo modifie (entre autre) la réparation de la masse par rapport à un vélo classique. Dans ce contexte il est légitime de se demander comment conserver des vélos faciles à conduire dans une logique d’augmentation de la masse embarquée. La facilité à piloter un véhicule se réfère à la qualité de maniabilité. La maniabilité est définie comme « la facilité et la précision avec laquelle un individu peut réaliser une tâche donnée avec un véhicule donné ». Le design du véhicule (sa géométrie, l’inertie de la direction, la position du centre de gravité etc.) joue un rôle important sur la maniabilité. Cette étude se demande si la maniabilité est une affaire de préférence personnelle ou bien une caractéristique commune, partagée et pouvant faire consensus dans un panel d’utilisateurs ?
Pour répondre à cette question un protocole expérimental a été mis au point afin d’établir si un groupe d’utilisateur pouvait établir un classement consensuel de plusieurs designs de vélo sur base de la maniabilité subjective perçue. Pour ce faire un vélo cargo expérimental a été équipé d’une masse (3 kg) réglable en position sur la direction. Ce dispositif permettait de modifier sa maniabilité sans que cette modification ne soit visuellement perceptible. 18 participants ont réalisé plusieurs répétitions d’un même circuit dans 4 configurations : position de la masse A, B, C, ou D (cf. Figure). Ces configurations étaient présentées selon une séquence randomisée permettant de tester successivement les 6 paires de configurations possibles. Le participant n’était pas au courant de la configuration testée. A la fin de chaque essai, le participant devait comparer la configuration testée par rapport à la précédente selon 6 critères subjectifs permettant de mesurer la difficulté liée au contrôle du véhicule et donc in fine sa maniabilité. L’ensemble des résultats a été agrégé dans une méthode de décision collective inspirée du scrutin de Condorcet. Cette dernière permet d’une part d’établir le classement individuel pour chaque participant et d’autre part un classement collectif.
Les ressentis subjectifs des 18 participants se sont montrés suffisamment cohérents pour que la méthode converge vers un classement consensuel, et attendu, des 4 configurations dans l’ordre : A, B, C, puis D. Une approche par classement individuelle confirme ce résultat en montrant que ce même classement est surreprésenté.
Ces résultats mettent en évidence qu’un échantillon d’utilisateur possède des avis individuels consensuels pour classer des designs de vélo en fonctions de leur maniabilité. Cette préférence, basée sur la perception de l’effort de contrôle, pourrait permettre de guider le design des vélos vers une plus grande facilitée de conduite. Il faut cependant noter que ces résultats ont été obtenus en présence de fortes différences de design et une fois un certain nombre de biais psychologiques contrôlés (notamment l’absence de différences visuelles entre les configurations).
L’auteur
Jules Ronné, Univ Lyon, Univ Eiffel, Univ Claude Bernard Lyon 1, LBMC.
Jules Ronné est doctorant en 3ème année au LBMC (Univ Lyon, Univ Eiffel, Univ Claude Bernard Lyon 1, LBMC). Ses travaux portent sur l’amélioration du contrôle des biporteurs urbains. Il a pu réaliser un échange d’un mois au sein du Bicycle Lab (TU Delft, Pays-Bas) grâce à l’obtention de la bourse de collaboration de recherche de la société de biomécanique (CoRSB_JC).
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