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Société de Biomécanique
Les pionniers

Vinci 01

Léonard nait en 1452 dans le village de Vinci (en Toscane, Italie), d’une union illégitime entre une paysanne et un notaire, ce qui lui interdit d’embrasser la carrière de notaire à son tour mais aussi de fréquenter une de ces écoles latines dans lesquelles est dispensé l'enseignement des lettres classiques et des humanités. Léonard grandit auprès de ses grands-parents paternels, et son grand-père Antonio, oisif passionné, lui transmet le goût de l'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! (« Ouvre l’œil ! ») ». C'est seulement à l'âge de dix ans qu'il entre dans une scuola d’abaco (une école de mathématiques élémentaires) où il apprend les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique. Son talent en dessin conduit son père à faire entrer Léonard en apprentissage dès 14 ans dans l’atelier d’Andrea Verrochio, artiste en vue de Florence, mais surtout véritable polymathe : orfèvre et forgeron de formation, il est également peintre, sculpteur mais aussi architecte et ingénieur. Dans cet atelier, Léonard de Vinci reçoit une formation multidisciplinaire qui réunit l'art, la science et la technique. En particulier, les techniques de dessin qui y sont enseignées sont couramment combinées avec l’étude de l’anatomie superficielle et la mécanique.

Méprisé par certains en raison de son absence de formation universitaire, Léonard de Vinci devient libre penseur, adversaire de la pensée traditionnelle et se présente volontiers comme un disciple de l’expérience et de l’expérimentation. Marginal, distrait, homosexuel, gaucher et végétarien, il détonne dans un siècle encore très largement dominé par l’Église. Mais c’est surtout un travailleur infatigable dont le génie inventif fascine son époque : son talent, sa verve et sa beauté lui ont valu toute sa vie l’admiration des puissants et des grands mécènes de son temps (le duc Ludovic Sforza à Milan, le prince César Borgia dit Le Valentinois, Charles d’Amboise à Milan, Julien de Médicis à Rome et finalement le roi de France, François 1er à Amboise), lui donnant ainsi les moyens d’exercer son art. La très grande imagination de Léonard de Vinci semble toutefois avoir été inversement proportionnelle à sa capacité à concrétiser ses idées, à la fois en tant qu’artiste que comme ingénieur. Constamment distrait par ses mille et une recherches, on estime qu’il n’a réalisé au cours de sa vie qu’une vingtaine de peintures, la plupart jamais livrées et dont plusieurs sont restées inachevées.

Il retouchera ainsi inlassablement Mona Lisa (La Joconde), portrait de la jeune Lisa Del Giocondo, jusqu’à sa mort survenue à Amboise (en France) en 1519. C’est l’œuvre d’art la plus visitée au monde, admirée tout à la fois pour son cadrage moderne et ses effets d’optique, que pour le sourire et le regard troublant de son sujet. En effet, dans ses peintures, Léonard de Vinci cherche à dépasser l'imitation fidèle des formes extérieures au bénéfice d'une meilleure représentation des mouvements et des expressions faciales pour traduire les sentiments intérieurs de ses sujets. Dans ses notes, ses esquisses et ses peintures, Léonard de Vinci s’attache à « disséquer » les mouvements, produisant un ensemble impressionnant d’attitudes et de gestes. C'est aussi dans cet objectif qu’il met au point le sfumato, technique jouant sur le clair-obscur et donnant une impression de vague flou qui adoucit les contrastes et améliore le réalisme.

Mais Léonard de Vinci n’est pas seulement un peintre. Il maîtrise plusieurs disciplines comme la sculpture, la peinture, le dessin ou encore la musique. Pour lui, la peinture considérée au XVe siècle comme un simple travail manuel est au contraire au sommet des arts en ce sens qu’elle ne doit pas se limiter à une imitation de la nature (du sujet) : la compréhension scientifique du fonctionnement intime de la nature est essentielle à ses yeux afin de pouvoir la reproduire sur un tableau. Ses croquis encyclopédiques sur l’humain et la nature sous toutes ses formes traduisent bien sa quête incessante pour saisir les lois universelles qui régissent l’homme et l’univers.

Les centres d’intérêt de Léonard de Vinci sont extrêmement nombreux et très variés : optiquegéologiebotaniquehydrodynamiquearchitectureastronomieacoustiquephysiologie et bien sûr anatomie. En lien avec la biomécanique, Léonard de Vinci est en particulier fasciné par le mouvement. Par exemple, pour mieux rendre le mouvement des fluides et de l’air, il étudie les courants, au point de devenir un expert en hydrodynamique et de comprendre, deux siècles avant Newton, le rôle de la pression de l’air sur l’aile des oiseaux. Il rédige d’ailleurs vers 1505 un codex sur l’analyse du vol des oiseaux, contenant de nombreuses études où il décortique de manière très méthodique le battement des ailes, la façon dont l’oiseau reste en équilibre, prend de l’altitude en étant face au vent, ou encore la façon dont il réalise un changement de direction. Il est ainsi le premier à  noter que le centre de gravité d'un oiseau en vol ne coïncide pas avec son centre de pression. Pour cela, il passe de longues heures sur les collines des environs de Florence à observer le comportement les oiseaux en vol, il achète aussi souvent des oiseaux sur le marché et les libère après avoir étudié la structure de leurs ailes. Pionnier du biomimétisme, il couche également sur papier des dessins d’ailes mécaniques ou de machines volantes inspirés de ses observations ... Toutefois, il ne semble pas que l'aspect pratique de ses recherches soit prépondérant pour lui : Léonard de Vinci cherche avant tout à explorer de nouvelles possibilités, qu'elles soient réalisables ou non, porté par sa curiosité et son imagination.

Parmi ses innombrables centres d’intérêt,l'anatomie humaine constitue le domaine sur lequel il se penche avec le plus d'assiduité tout au long de sa carrière. En 1489, il prépare l'écriture d'un livre sur l'anatomie humaine qui s'intitule De la figure humaine. Il y étudie en particulier les différentes proportions du corps humain, réalisant pour cela de nombreuses mesures systématiques sur deux jeunes hommes. Les recherches empiriques de Léonard de Vinci contredisent le canon produit par l'antique système métrologique. Ceci l'amène à produire l'Homme de Vitruve qu'il dessine sur base des écrits de l'architecte et écrivain romain Vitruve mais en en corrigeant les mesures et en plaçant le centre de l'homo ad circulum (le cercle) au nombril et celui de l’homo ad quadratum (le carré) au-dessus du pubis.

Toujours dans le domaine de l’anatomie, Léonard de Vinci se rapproche de la conception médicale dans sa conduite des dissections, qu’il réalise avec l’esprit d’un ingénieur dans sa manière de considérer la fonction des organes ou l’étude du mouvement. Par exemple, Il est le premier à associer l’action musculaire aux contraintes subies par l’os. A l’aide de maquettes squelettiques, dans lesquelles des cordelettes remplacent les muscles, il cherche à comparer la force musculaire entre l’homme et différents animaux, en utilisant la théorie du bras de levier.

La multiplication de ses dessins sur le thème de la prono-supination du membre supérieur révèle aussi sa fascination pour le mécanisme d’orientation de la main dans l’espace sans que l’épaule soit obligée de se mouvoir.

Même s’il est loin d’avoir étudié tous les muscles, il en explique parfaitement les mécanismes physiologiques : l’équilibre des muscles antagonistes, les synergies fonctionnelles, la mécanique et le tonus musculaire. Pour lui, l’anatomie est surtout un outil lui permettant de mieux appréhender les volumes, les formes et la position des structures et des organes dans l’espace, la bonne coordination du mouvement des corps ou de ses parties. Représenter les muscles sous la peau exactement comme ils se présentent dans la réalité lors de l’exécution d’un mouvement donné n’est accessible qu’à quelques privilégiés, passionnés de l’exactitude anatomique, tels Michel Ange ou Léonard de Vinci.

En résumé, tout le monde a entendu le nom de Léonard de Vinci, mais pour chacun, selon sa sensibilité et ses centres d’intérêt, se cache derrière ce nom un personnage différent : Un artiste et peintre virtuose, un théoricien de l’art ou encore un ingénieur, un inventeur visionnaire, un penseur ... En réalité, Léonard de Vinci représente une parfaite synthèse de toutes ces pratiques sublimement maîtrisées. Il incarne incontestablement le génie universel et humaniste de la Renaissance avec ses avancées dans le domaine artistique mais aussi celui des sciences et, avant tout, dans l’approche scientifique.

Pr Laurence CHEZE, Laboratoire de Biomécanique et Mécanique des Chocs (Université Lyon 1 / Université Gustave Eiffel)

Illustrations

Vinci 02 Vinci 03

Du vol des oiseaux à la machine volante

 

Vinci 04

L’Homme de Vitruve

 

Vinci 05  Vinci 06

La théorie du bras de levier : comparaisons homme/singe pour le membre supérieur (gauche) et homme/cheval pour le membre inférieur (droite).

 

Vinci 07 

Le mécanisme de prono-supination

Eléments de bibliographie

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9onard_de_Vinci

https://www.ledevoir.com/culture/553103/leonard-de-vinci-le-curieux-insatiable

https://www.ledevoir.com/culture/553102/artiste-ingenieur-inventeur-theoricien-ou-philosophe-de-quoi-leonard-de-vinci-est-il-le-nom

Le Nen D. (2005) Le mouvement chez Léonard de Vinci, « naissance de la biomécanique ». Ann. Orthop. Ouest - 2007 - 39 – p. 33 à 40

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