Par François Zot, lauréat d’une bourse de participation congrès de la Société de Biomécanique 2023.
Au cours de la vie d’un patient, des modifications physiologiques du rachis lombaire peuvent avoir lieu, du fait de pathologies, de traumatismes, ou tout simplement du vieillissement. Dans ce dernier cas, les disques intervertébraux ainsi que les facettes articulaires sont particulièrement concernés, ce qui peut mener à la survenue de douleurs pour le patient. Ces troubles peuvent être corrigées de différentes manières, que ce soit par des approches médicamenteuses, orthopédiques, ou chirurgicales. Il existe plusieurs types d’approches chirurgicales, parmi lesquelles on trouve l’arthrodèse et l’arthroplastie, qui consistent à remplacer le disque dégénéré par un implant. Dans le cas de l’arthrodèse cet implant est rigide, alors que les implants d’arthroplastie présentent différents degrés de mobilité, visant à représenter le comportement d’un disque intervertébral. Ainsi, les implants ball-and-socket sont dotés de 3 degrés de liberté (ddl), les implants à noyaux mobiles présentent de 4 à 6 ddl, et des prothèses élastiques sont pourvus de 6 ddl. Il a toutefois pu être montré que ces deux méthodes peuvent conduire à la survenue de complications, telles qu’une usure accélérée des niveaux adjacents pour l’arthrodèse, ou l’arthrose facettaire au niveau opéré pour l’arthroplastie. Cela peut être lié à une sursollicitation des structures postérieures lors de la réalisation de différents mouvements physiologiques.
Afin de vérifier cette hypothèse, des modèles éléments-finis patient-spécifiques de rachis lombaires ont été réalisés en utilisant le logiciel Ansys Mechanical. De plus, afin d’évaluer les résultats de ces modèles numériques, des expérimentations ont été menées sur des spécimens anatomiques lombaires à l’aide d’un bras robotisé collaboratif Franka Emika.
Pour réaliser ces essais expérimentaux et numériques, des couples purs de 5Nm ont été appliqués sur la vertèbre supérieure des échantillons (L4) de sorte à reproduire des mouvements physiologiques de flexion-extension, d’inclinaison latérale, et de rotation axiale. La vertèbre inférieure (S1) était maintenue fixe. Les mobilités articulaires ont été déterminées pour les niveaux L4-L5 et L5-S1. Pour les modèles numériques, le travail (J) a été calculé, cette grandeur permettant d’estimer les effets mécaniques liés à la durabilité des zones de contact. Ces essais ont été réalisés dans premier temps avec des échantillons intacts, puis avec des échantillons instrumentés au niveau L4-L5 par différents implants (ALIF, ball-and-socket, mobile, élastique).
Figure 1 - Amplitudes articulaires expérimentales et numériques
Les résultats d’amplitude expérimentaux et numériques semblent indiquer que les implants ball-and-socket augmentent les amplitudes articulaires, en particulier pour le mouvement d’extension, tandis que la prothèse élastique présente un comportement similaire à celui d’un disque (Fig. 1). Bien que les valeurs expérimentales et numériques diffèrent, les évolutions d’amplitudes liées aux différents implants sont semblables.
En calculant le travail dans les facettes articulaires (Fig. 2), nous pouvons observer que les résultats varient grandement entre les modèles opérés avec les différents implants, alors même que ceux-ci sont conçus pour corriger la même indication. Ainsi, les prothèses ball-and-socket et à noyau mobile semblent augmenter le travail dans les facettes, tandis la prothèse élastique semble présenter un comportement proche de celui d’un disque natif.
Figure 2 - Travail dans les facettes articulaires
Dans ce travail, nous avons pu évaluer les résultats issus de modèles numériques à partir d’essais expérimentaux. Aussi, nous avons pu mettre en avant la pertinence de l’utilisation de la modélisation par éléments finis pour la planification chirurgicale.
Publication
François Zot, Estelle Ben Brahim, Yann Ledoux, Michel Mesnard, Mathieu Severyns, Juan Sandoval, Med Amine Laribi, Tanguy Vendeuvre, Arnaud Germaneau. Biomechanical analysis of arthroplasty and arthrodesis of lumbar spine: evaluation of a patient-specific finite element model. Computer Methods in Biomechanics and Biomechanical Engineering, 2023, Vol. 26, No. S1, S1-S338.
L’auteur
François Zot, Institut Pprime, Université de Poitiers
François Zot est post-doctorant au sein de l’équipe PEM de l’Institut Pprime. Ses travaux portent sur la biomécanique du rachis et sur la caractérisation des dispositifs médicaux implantables pour le remplacement de disques intervertébraux.