Sélectionnez votre langue

Société de Biomécanique
Les pionniers

La biomécanique cardiovasculaire de l’Antiquité à l’ère moderne

Le système cardiovasculaire a pour fonction de transporter le sang pour acheminer l’oxygène, les nutriments, les hormones et d’autres substances essentielles, vers les différentes parties du corps. Il se charge également d’éliminer les déchets métaboliques et le dioxyde de carbone. Le système cardiovasculaire comprend trois composants principaux : le cœur, les vaisseaux sanguins et le sang. Le cœur, la pompe centrale du système cardiovasculaire, propulse le sang dans tout le corps en le faisant circuler dans les vaisseaux sanguins. Ces derniers forment un réseau en boucle qui transportent le sang du cœur vers les poumons et les tissus du corps, et le ramènent au cœur. Ils se divisent en artères et en veines, ainsi qu’en capillaires, de minuscules vaisseaux sanguins au niveau desquels se font les échanges de substances entre le sang et les tissus cellulaires. Le sang est composé de cellules (globules rouges, globules blancs et plaquettes) et de plasma (un liquide contenant de l’eau, des électrolytes, des nutriments, des hormones et d’autres composés). Il transporte l’oxygène des poumons et les nutriments des organes digestifs vers les tissus, et joue un rôle crucial dans la régulation de la température corporelle, l’immunité, et la coagulation. L’exploration du système cardiovasculaire s’est étalée sur plusieurs siècles durant lesquels quelques pionniers ont tracé la voie de la biomécanique cardiovasculaire moderne. Cette quête de compréhension a connu des avancées majeures avec l’avènement de trois approches méthodologiques : la dissection, la microscopie, et la mécanique.

L’Ère de la Dissection, de l’Antiquité à la Renaissance

La dissection, en tant que méthode d’exploration anatomique, a joué un rôle essentiel dans les premières découvertes majeures sur le fonctionnement du système cardiovasculaire. La pratique de la dissection humaine remonte à l’Antiquité. Les Égyptiens, les Grecs et les Romains ont tous pratiqué la dissection humaine, bien que de façon limitée, contraints qu’ils étaient par des interdits religieux ou culturels. Les Égyptiens de l’Antiquité utilisaient la dissection dans le cadre de leur processus d’embaumement, une pratique qui visait à préserver les corps des défunts pour l’au-delà. Ils ont développé une connaissance considérable de l’anatomie humaine grâce à cette pratique. Les Grecs anciens, tels que Hippocrate et Aristote, ont également réalisé des dissections animales pour mieux comprendre l’anatomie. La dissection humaine était moins courante chez les Grecs en raison d’anciens tabous qui entouraient le traitement des cadavres dans la plupart des villes, à l’exception d’Alexandrie dont l’école était réputée pour la dissection de corps humains. Bénéficiant de cette rupture idéologique, le médecin grec Hérophile (vers 325-vers 255 av. J.-C.) réussit à différencier les veines des artères du système circulatoire et comprit que le pouls est un phénomène physiologique associé à la contraction et à la dilatation des artères. Cependant, c’est son contemporain Érasistrate (vers 310-vers 250 av. J.-C.) qui établit le lien avec les battements cardiaques, après avoir identifié la fonction du cœur de diffuser le « pneuma » dans le corps via les artères [Wilson LG. Erasistratus, Galen, and the “Pneuma”. Bulletin of the History of Medicine. 1959;33:293-314]. Le « pneuma » est lié étymologiquement à sa racine grecque qui signifie « respirer » ou « souffler ». Il signifie « air en mouvement », ou « souffle » dans le sens de quelque chose nécessaire à la vie (Oxford Classical Dictionary). Contrairement au système cardiovasculaire d’Érasistrate, les artères de celui de Galien (129-216) contiennent du sang, pas seulement de l’air. Galien a également expliqué que le sang dans les artères arrive directement du ventricule droit vers le gauche, à travers des pores invisibles dans le cœur. Cela signifie qu’il n’existe pas de circuit pulmonaire.

Jusqu’à la Renaissance, les connaissances sur le cœur étaient principalement fondées sur les nombreux écrits de Galien. Sa doctrine, le galiénisme, domina la pensée médicale et l’anatomie galénique a été largement acceptée pendant des siècles. Grand polymathe de la Renaissance, Léonard de Vinci (1452-1512) a été l’un des premiers Occidentaux à s’opposer aux dogmes de Galien. Contrairement à celui-ci, Léonard de Vinci considère les oreillettes comme des chambres cardiaques. Il illustre ses observations par des dessins anatomiques, de grande précision, du cœur et de ses valves. Toutefois, de Vinci reste influencé par la thèse galénique qui stipule que le sang passe du cœur droit au gauche ; il y dessine des pores invisibles permettant le passage du sang du ventricule droit au ventricule gauche. C’est au médecin flamand André Vésale (1514-1564) que revient la démonstration de l’imperméabilité du septum cardiaque. Ses analyses ont jeté les bases de la redécouverte de la circulation pulmonaire (bien après Ibn Al Nafis du XIIIème siècle, cf. Chapitre Débuts de l’Histoire) par son collègue padouan Realdo Colombo en 1559, et de la découverte ultérieure de la circulation systémique par William Harvey au siècle suivant.

fig1

L’ouvrage du médecin anglais William Harvey (1578-1657), « Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in Animalibus » (Exercice anatomique sur le mouvement du cœur et du sang chez les animaux), publié pour la première fois en 1628, a révolutionné la compréhension de la circulation sanguine.

[Traduction anglaise et annotée : https://www.biodiversitylibrary.org/item/28796#page/1/mode/1up]

William Harvey (1578-1657) remit totalement en question le dogme galénique du cœur et de la circulation. Influencé par la rigueur logique Galiléenne, il utilisa une méthode scientifique minutieuse, appuyée par des formulations d’hypothèses issues de ses observations et validées par des expériences répétitives et ciblées. En ce sens, il fut le précurseur de la physiologie moderne [Schultz SG. William Harvey and the circulation of the blood: the birth of a scientific revolution and modern physiology. Physiology. 2002;17:175-80]. Il a fourni une analyse détaillée de la circulation sanguine, qu’il a décrite dans son ouvrage de référence Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in Animalibus, publié en 1628. Dans son œuvre monographe, Harvey fait une contribution significative en avançant l’idée fondamentale que le sang circule dans un circuit fermé. Il unifie les systèmes artériel et veineux, créant alors un nouveau paradigme, et fournit une explication mécanique de l’activité cardiaque en comparant le cœur à une pompe qui propulse le sang. Sans microscope, Harvey ne put néanmoins observer les capillaires qui relient les deux réseaux. Il conclut que le sang se diffusait dans la chair, puis était réabsorbé par les veines. C’est en 1661, quatre ans après la mort de William Harvey, que Marcello Malpighi, aidé de la microscopie, observa que le sang se déplace dans les capillaires et fournit ainsi le chaînon manquant de la preuve de la circulation sanguine apportée par Harvey.

fig2

Évolution du système cardiovasculaire de l’Antiquité à la Renaissance. Érasistrate pensait que les artères et les veines étaient distinctes, les veines transportant le sang et les artères transportant de l’air. Galien a montré que les artères contiennent en réalité du sang. Colombo a décrit le circuit pulmonaire mais a maintenu que le foie restait la source de la circulation. Harvey a découvert que le sang circule dans tout le corps grâce au mécanisme cardiaque, mettant fin à la notion d’un circuit ouvert.

Aird WC. Discovery of the cardiovascular system: from Galen to William Harvey. Journal of Thrombosis and Haemostasis. 2011;9:118-29.

 

Apport de la microscopie de la Renaissance à nos jours

Un microscope est un instrument essentiel pour observer des objets trop petits pour être vus à l’œil nu, particulièrement en biologie et médecine. En particulier, la microscopie optique utilise des lentilles pour récupérer des images d’objets éclairés par une source lumineuse. La lentille de Nimrud, également connue sous le nom de lentille de Layard, pourrait être le plus ancien dispositif optique grossissant [https://fr.wikipedia.org/wiki/Lentille_de_Nimrud]. Cette lentille de quartz incolore aurait été réalisée entre le 1er millénaire av. J.-C. et le VIIème siècle av. J.-C. Mais c’est à la fin du XVIème siècle et à partir du XVIIème que débute l’ère de la microscopie [Bradbury S. The evolution of the microscope. Revised edition. 368 p. Elsevier, 2014]. C’est aux hollandais Janssen que reviendrait la première fabrication du microscope composé, à deux lentilles, en 1595. Un autre prétendant au titre d’inventeur du microscope est Galilée qui a développé, en 1609, l’occhiolino, un microscope composé d’une lentille convexe et d’une autre concave. Cet instrument novateur offre une perspective inédite sur le monde du vivant, permettant une étude approfondie de l’anatomie et de la métamorphose des insectes, de la structure des végétaux, et la découverte de microorganismes et d’organes microscopiques.

fig3

Microscope de Robert Hooke. Une planche de son ouvrage « Micrographia », publié en 1665, premier livre avec illustrations d’insectes et de plantes tels qu’ils apparaissent à travers un microscope.

Parmi les précurseurs de l’utilisation du microscope, Marcello Malpighi (1628-1694), médecin et biologiste italien, est considéré comme le fondateur de l’anatomie microscopique (histologie). Il a notamment établi des corrélations entre des maladies et des changements anatomiques macroscopiques et microscopiques, jetant ainsi les fondements de la physiopathologie moderne. En 1661, il observa pour la première fois le sang circulant à travers un réseau de petits tubes à la surface du poumon et dans la vessie de la grenouille. Il émit l’hypothèse que ces capillaires représentaient le lien entre les artères et les veines, permettant ainsi au sang de retourner vers le cœur. Cela complétait la théorie sur la circulation sanguine initialement avancée par William Harvey. Cinq ans plus tard, son ouvrage intitulé « De polypo cordis » (1666) constitue une contribution significative à la compréhension du sang, de sa composition et de sa coagulation [Forrester JM. Malpighi’s De polypo cordis: an annotated translation. Med Hist. 1995;39:477-92]. Dans cette monographie, les globules rouges ne sont mentionnés que fortuitement, Malpighi n’en donnant aucune illustration et ne caractérisant ni leur taille ni leur forme. Le Néerlandais Jan Swammerdam (1637-1680) est quant à lui crédité de la description de « globules rougeâtres ». Cependant, Swammerdam ne fit que mentionner leur présence dans le sang et douta que les vaisseaux sanguins puissent en contenir [Davis IM. "Round, red globules floating in a crystalline fluid”–Antoni van Leeuwenhoek’s observations of red blood cells and hemocytes. Micron. 2022;157:103249].

C’est à un autre microscopiste néerlandais, Antonie van Leeuwenhoek (1632-1723), que l’on doit les premières descriptions détaillées des globules rouges autour de 1675. Il en décrivit notamment la taille et la forme biconcave. Contrairement à Malpighi et Swammerdam dont les observations furent succinctes et incomplètes, celles de van Leeuwenhoek ont couvert une grande partie de sa vie. Ses descriptions surpassaient celles de ses contemporains en raison de son expertise, qu’il garda secrètement, dans la fabrication de lentilles de haute qualité et de grossissement inégalé, lui permettant d’observer des détails de l’ordre du micromètre. Après cet avènement des microscopistes, il apparut que le sang est une suspension très concentrée de globules rouges (45% en volume) qui déterminent ses propriétés rhéologiques. Il s’est écoulé plus de 150 ans avant que ne soient identifiés les globules blancs, beaucoup moins fréquents. Van Leeuwenhoek les avait observés en utilisant ses microscopes monoculaires, mais ne les avait pas reconnus comme une catégorie distincte.

fig4fig5

Globules rouges et vaisseaux sanguins par Van Leeuwenhoek. À gauche : globules rouges d’un saumon. À droite : globules rouges dans une veine et une artère reliées par des capillaires. Le néerlandais Antonie van Leeuwenhoek (1632-1723) a construit ses propres microscopes et a pu étudier le monde microscopique avec bien plus de détails que ses contemporains. Images extraites de la Lettre 128 adressée à Hans Sloane (9 juillet 1700).

Source : Digitale Bibliotheek voor de Nederlandse Letteren, https://www.dbnl.org/tekst/leeu027alle13_01/leeu027alle13_01_0011.php.

Après l’apport de la dissection et de la microscopie, l’histoire de la biomécanique cardiovasculaire a connu un nouvel essor sous l’influence de la doctrine mécaniste chère à René Descartes (XVIIème siècle). C’est essentiellement à partir du XIXème siècle que le mécanisme cartésien imprime son empreinte sur la médecine. La médecine mécaniste connaît alors un essor marqué, en affirmant sa capacité à décrypter la complexité du corps humain de la même manière qu’on analyse le fonctionnement d’une machine. Une ère moderne s’ouvre avec l’application de la mécanique et des mathématiques à l’étude du système circulatoire. Au-delà de la simple observation, le système cardiovasculaire et sa pompe cardiaque sont mesurés, quantifiés et modélisés, pour en affiner sa compréhension.

Le prêtre anglican et scientifique britannique Stephen Hales (1677-1761) reporta, en 1733, dans ses « Statical Essays containing Hæmastaticks » [https://www.biodiversitylibrary.org/item/188045], les premières mesures de la pression sanguine artérielle, sur une jument, à l’aide d’un tube de verre de plus de deux mètres [Booth J. A short history of blood pressure measurement. Proc. Roy. Soc. Med. 1977:793-799]. Dans cet ouvrage, Hales s’est également penché sur plusieurs questions relatives à l’écoulement cardiovasculaire. Il a notamment souligné le rôle important joué par les vaisseaux périphériques dans le maintien de la pression sanguine. La prochaine avancée significative dans l’étude de la circulation est survenue au siècle suivant, lorsque le physicien et médecin français Jean-Léonard-Marie Poiseuille (1797-1869) a présenté son « hémodynamomètre » dans sa thèse de doctorat en médecine soutenue en 1828 [https://archive.org/details/BIUSante_TPAR1828x166]. Poiseuille a répété certaines des expériences de pression sanguine de Hales, mais en utilisant un manomètre au mercure comportant un liquide anticoagulant pour assurer la connexion avec le sang artériel. À l’aide de cet instrument, il a en outre démontré que la pression sanguine augmente et diminue pendant l’expiration et l’inspiration. C’est à la fin du XIXème siècle qu’il devint possible d’enregistrer graphiquement, et de manière non intrusive, les variations du pouls avec l’invention du sphygmographe – le terme grec « sphygmos » signifie « pouls » – par le médecin allemand Karl von Vierordt (1818-1884) en 1854. L’instrument médical conçu par von Vierordt utilisait un système de leviers pour amplifier le pouls radial. Le sphygmographe a connu par la suite de nombreuses versions, dont celle du médecin et inventeur français Étienne-Jules Marey (1830-1904) qui s’adonna ensuite à l’étude biomécanique du mouvement par la chronophotographie (cf. chapitre intitulé La locomotion du cheval), ainsi que les appareils des médecins autrichien Samuel von Basch (1837-1905) et italien Scipione Riva-Rocci (1863-1937). Ces versions, beaucoup plus précises que les dispositifs précédents, sont considérées comme les ancêtres du sphygmomanomètre moderne [Major RH. The history of taking the blood pressure. Annals of Medical History. 1930;2:47].

 fig6

fig7

fig9

Sphygmographes. Comparativement aux techniques antérieures qui nécessitaient l’insertion d’un tube dans une artère pour mesurer la pression sanguine, le sphygmographe inventé par Karl von Vierordt en 1854 a permis de suivre le pouls humain de manière non invasive. De gauche à droite : Karl von Vierordt (1854), Étienne-Jules Marey (1859), Samuel von Basch (1880).

Sources : 1) Major RH. Karl Vierordt. Annals of Medical History. 1938;10:463. 2) Barnett R. Hypertension. Lancet. 2017;389:2365. 3) Soto-Perez-de-Celis E. Karl Samuel Ritter von Basch: the sphygmomanometer and the Empire. Journal of Hypertension. 2007;25:1507.

L’ère moderne des modèles mécaniques et mathématiques

Parallèlement au développement d’appareils médicaux permettant de mesurer la pression artérielle, certains physiologistes se sont intéressés à l’étude du fonctionnement de la pompe cardiaque responsable de cette pression. C’est ainsi que fut proposée la loi dite de Frank-Starling décrivant la contraction cardiaque. Celle-ci indique que plus les fibres musculaires cardiaques sont étirées, en raison d’un retour veineux accru, plus le cœur se contracte avec force. Elle relie ainsi la diastole et la systole, c’est-à-dire le remplissage cardiaque et l’éjection sanguine, et contribue à réguler le débit cardiaque pour répondre aux besoins changeants du corps. La loi de Frank-Starling tire ses racines de résultats alors connus sur les muscles squelettiques [Katz AM. Ernest Henry Starling, his predecessors, and the “Law of the Heart”. Circulation. 2002;106:2986-92], ainsi que de travaux du physiologiste italien Dario Maestrini (1886-1975) qui formula sa loi « legge del cuore » après avoir mené des expériences sur la longueur et le fonctionnement des fibres cardiaques [Maestrini D. The law of the heart in biology and clinical medicine. Minerva Medica. 1951;42:857-864]. La loi cardiaque de Frank-Starling doit son nom aux physiologistes allemand et britannique Otto Frank (1865-1944) et Ernest Henry Starling (1866-1927). Bien que les travaux de Frank aient précédé ceux, indépendants, de Starling, les deux sont crédités d’avoir jeté les bases de cette loi. La loi de Frank-Starling peut être considérée comme la première loi de comportement mécanique du cœur, valable pour un myocarde sain et dans certaines limites physiologiques.

Otto Frank s’est également penché sur le couplage cœur – artères. Il a étudié les concepts de base de la pulsation artérielle et de la propagation de l’onde de pression et a formulé une relation mathématique entre sa vitesse et la rigidité des artères [Middeke M. The pioneer in hemodynamics and pulse-wave analysis, Otto Frank. Journal of the American Society of Hypertension. 2016;10:290-6]. En 1899, Frank a aussi perfectionné le concept de l’effet Windkessel en fournissant une base mathématique. L’effet Windkessel, nommé d’après le terme allemand signifiant « chambre à air », fait référence au phénomène physiologique par lequel les grosses artères, telle que l’aorte, stockent et régulent le flux sanguin afin de maintenir une pression artérielle relativement constante malgré les pulsations du cœur [Sagawa K. Translation of Otto Frank’s paper “The basic shape of the arterial pulse. First treatise: mathematical analysis”. J. Mol. Cell. Cardiol. 1990; 22:253-277]. Le modèle d’Otto Frank est parfois appelé Windkessel à deux éléments pour le distinguer des modèles Windkessel plus élaborés. Dans un même registre hémodynamique, le mathématicien et informaticien britannique John Ronald Womersley (1907-1958) explicita la théorie des écoulements pulsés dans des tubes cylindriques rigides [Womersley JR. Method for the calculation of velocity, rate of flow and viscous drag in arteries when the pressure gradient is known. The Journal of Physiology 1955;127:553] et élastiques [Womersley JR. An elastic tube theory of pulse transmission and oscillatory flow in mammalian arteries. Wright Air Development Center, 1957]. Il décrivit, dans son article de 1955, un paramètre sans dimension reliant la fréquence d’un écoulement pulsé aux forces visqueuses, paramètre aujourd’hui nommé « nombre de Womersley ». Ces modèles ou leurs variantes sont aujourd’hui couramment couplés à des simulations de flux sanguins localisés, par volumes finis par exemple, pour définir des conditions aux limites ou initiales appropriées. Ces simulations requièrent, dans nombre de cas, de modéliser correctement le comportement dynamique du sang, notamment sa viscosité.

Le médecin suédois Robin Fåhræus (1888-1968) fut l’un des pionniers de la rhéologie sanguine. Fåhræus et son assistant et compatriote Torsten Lindqvist (1906-2007) ont entrepris des expériences d’écoulements sanguins dans des tubes en verre de très petit diamètre. Ils ont découvert, en 1931, que la viscosité relative du sang diminuait lorsque le diamètre du vaisseau était inférieur à 0,3 mm [Fåhræus R, Lindqvist T. The viscosity of the blood in narrow capillary tubes. Am J Physiol 1931;96:562-568]. La résistance à l’écoulement du sang dans les artérioles est par conséquent moindre que ce qui serait observé si celui-ci suivait la loi de Poiseuille. Ce phénomène de dépendance au diamètre du vaisseau est dû à la concentration plus élevée des érythrocytes vers le centre du vaisseau, laissant une zone plasmatique, dépourvue de globules rouges, près des parois. Cet effet est désormais connu sous le nom de « Fåhræus-Lindqvist ». Près de 250 ans après l’observation détaillée des globules rouges par Antonie van Leeuwenhoek, l’hémorhéologie, essentiellement dictée par le comportement de ces globules, voit ainsi le jour.

fig10bis fig10fig11fig12

Les physiologistes allemand Otto Frank (à gauche) et britannique Ernest Henry Starling (à sa droite) ont relié le volume de fin de diastole et le volume d’éjection, relation connue sous le nom de loi de Frank-Starling. Le médecin suédois Robin Fåhræus est l’un des pionniers de l’hémorhéologie, avec la loi de Fåhræus-Lindqvist. Le mathématicien et informaticien britannique John Ronald Womersley décrivit mathématiquement les écoulements pulsés dans les artères.

Sources : 1) doi : 10.1055/s-0032-1327362, 2) https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=32524608,

3) https://digitaltmuseum.se/011014030761/professor-robin-fahraeus-i-hemmet-uppsala-maj-1952, 4) doi : DOI:10.1109/MAHC.2014.25

Les pionniers de la biomécanique cardiovasculaire mentionnés dans ce chapitre ont contribué à notre compréhension des mécanismes qui régissent le fonctionnement du système circulatoire. En explorant les échelles microscopiques à macroscopiques, ils ont posé les bases essentielles de nos connaissances actuelles et ouvert la voie à des avancées significatives en médecine et en recherche cardiovasculaires. Cette diversité d’approches, alliant la finesse de l’observation expérimentale à la compréhension théorique des phénomènes, continue d’inspirer et de guider les chercheurs et les praticiens.

Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
General
Général
Gestion des sessions
Accepter
Décliner
Analytique
Outils utilisés pour analyser les données de navigation et mesurer l'efficacité du site internet afin de comprendre son fonctionnement.
Matomo
Logiciel libre et open source de mesure de statistiques web
Accepter
Décliner